En 2016, la Fédération des associations des barreaux du Japon (JFBA) a
pris position en faveur de l’abolition de la peine de mort. Cette
déclaration de juristes sonne comme un véritable défi dans une société
en majorité favorable à la peine capitale.
Lors d’une convention
sur la protection des droits de l’homme organisée à Fukui au Japon, la
Fédération des associations des barreaux du Japon (JFBA) a adopté une
déclaration sur l’abolition du système d’exécution capitale.
La
JFBA réunit 37 000 avocats et des professionnels du droit nippon. Elle
demande que la peine de mort soit abolie avant la tenue du congrès de
l’ONU sur la prévention des crimes et la justice, qui aura lieu en 2020
dans l’archipel.
Le Japon fait partie des nations qui appliquent
la peine capitale, avec chaque année de nouvelles exécutions. Et, selon
un sondage du quotidien Asahi, 81 % de Japonais y sont favorables.
Un climat hostile à l’abolition
On
entend souvent que l’application de la peine de mort est intrinsèque à
la civilisation nippone. Bien que la peine de mort ait été abolie en 724
par l’empereur Shômu(1) et qu’elle le restera jusqu’en 1156, identifier le Japon comme un pays éradiquant totalement ce châtiment laisse perplexe.
C’est qu’à travers le temps, la position de l’État japonais s’est durcie.
Pour
les opposants à l’abolition, la peine de mort serait dissuasive et
cette opinion s’est renforcée, en banalisant, aux siècles passés, les
supplices des prisonniers. Ceux-ci étaient instrumentalisés à des fins
d’exemplarité, pour, notamment, parer aux troubles sociaux de l’époque.
Certes,
aujourd’hui, la cruauté de la torture exposée en place publique n’a
plus lieu. Cependant, il demeure une grande opacité sur le traitement
des prisonniers.
En effet, les condamnés à mort sont maintenus
dans le secret. Ils ne peuvent pas communiquer avec leurs proches, les
médias ne sont informés qu’après les exécutions, et personne ne peut y
assister. La loi japonaise stipule que l’exécution devrait avoir lieu
six semaines suivant la condamnation, mais il arrive que des condamnés,
placés en isolement, vivent quotidiennement la peur de l’exécution,
alors qu’ils attendent parfois de longues années dans les couloirs de la
mort.
Cette situation a été dénoncée par des associations de
droits de l’homme et a soulevé les inquiétudes du Conseil de l’Europe
qui a envisagé de retirer au Japon son statut d’observateur.
Le rapport à la mort
De
nos jours, si l’exécution capitale mobilise de plus en plus
d’abolitionnistes dans le monde, c’est que la problématique essentielle
du rapport à la mort et à la vie se pose, bousculant par ce
questionnement les consciences qui appellent à modifier la loi.
Or,
face à la civilisation nippone, le premier écueil rencontré est que,
précisément, l’idée de la mort ne véhicule pas de sentiment si tragique.
Dans son étude « La mort volontaire au Japon », Maurice Pinguet(2)
fait observer que cette perception vient de ce que la pensée japonaise
est fondée sur l’immanence et non sur la transcendance à partir de
laquelle la pensée occidentale peut élaborer un raisonnement
téléologique.
C’est dans cet esprit, par exemple, que Ingmar Bergman(3), montre dans le film Le Septième Sceau la scène d’un chevalier jouant aux échecs avec la mort, laissant au chevalier seul la volonté de retarder l’échéance.
Inversement, la filmographie épique de Kurosawa(4)
est composée de protagonistes dont les actes manifestent des enjeux
sociétaux sans pour autant établir la prééminence du destin strictement
individuel. Même représentée, la transgression par l’acte héroïque
s’exprime dans un déploiement de force vitale probablement héritée de la
puissance de combat inspirée des samouraïs. Comme si l’aristocratie
exaltée dans l’art du combat transmis dans les récits sur les samouraïs
reléguait l’existence humaine individuelle à une place toute relative.
De son côté, l’ouvrage de Ruth Benedict(5) Le Chrysanthème et le sabre décèle
une autre caractéristique de la structure mentale japonaise. Il ressort
que la pensée et le comportement japonais sont construits aussi sur
l’idée de « remboursement » de ce que l’on doit et qu’il existe des
contreparties auxquelles tout Japonais devra s’acquitter par honneur et
par devoir. Cette contrepartie fut-elle sans limite.
Cette
composante, son corollaire la punition et le syllogisme
politico-sociologique qui aboutit à supprimer la vie humaine d’un
coupable pour préserver le collectif ne seront pas une aide pour
l’argumentaire abolitionniste.
Le droit suprême de l’être humain
Toutefois,
la ratification par le Japon du Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels en 1979 rappelle que les garanties
juridiques des droits de l’homme ont fini, même au prix de luttes
ardues, par progresser.
Lors de la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, c’est Peng-Chung Chang(6),
un universitaire chinois participant aux travaux de la Déclaration qui
parvient, grâce à ses talents de diplomate, à faire concilier la vision
asiatique et occidentale de ces questions.
L’universalisme,
fondement de la Déclaration, ne peut exclure l’un de ses droits au motif
qu’il serait l’expression d’une culture différente, la culture étant
elle-même l’émanation d’une humanité. Par ailleurs, affirmer l’idée que
l’être humain est « un », c’est reconnaître son indivisibilité
donc discréditer un seul de ses droits, c’est les discréditer tous, en
opérant une dichotomie incohérente.
Au XXIe siècle on ne saurait dénier, selon la définition même des Nations unies le droit suprême de l’être humain, qui est « le droit à la vie »,
dans un Japon qui exerce la démocratie par le respect des institutions
représentatives mises en place et la reconnaissance aux droits de chacun
tels que proclamés par l’Assemblée générale des Nations unies.
http://www.epochtimes.fr/pour-un-japon-abolitionniste-22518.html
Odell Barnes Jr.
L'association Lutte Pour la Justice (LPJ) a été créée en 1999 pour soutenir Odell Barnes Jr., jeune afro-américain condamné à mort en 1991 à Huntsville (Texas) pour un crime qu'il n'avait pas commis et exécuté le 1er mars 2000 à l'aube de ses 32 ans. En sa mémoire et à sa demande, l'association se consacre à la lutte pour l'abolition de la peine de mort aux Etats-Unis et en particulier au Texas. (voir article "Livre "La machine à tuer" de Colette Berthès en libre accès" ) : https://www.lagbd.org/images/5/50/MATlivre.pdf
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire